Deux hommes et une femme s’adressent à nous. Cela a tout l’air d’être du théâtre, mais ces individus un peu gauches ignorent tout ou presque de cet art. Dans la société dystopique qui est la leur, et depuis laquelle ils nous parlent, le théâtre a disparu, comme la plupart des rites sociaux que nous connaissons aujourd’hui : les élections, le football ou même un simple baiser ! Tels des anthropologues, ils tentent de partager ce qu’ils comprennent de notre époque, ses rituels, ses mythologies, ses usages étranges ou sublimes, et les individus qui l’ont composée.
Si l’on pouvait choisir, que voudrait-on que les générations futures retiennent de notre monde et de nos usages ? Le Beau Monde convoque notre présent comme s’il était déjà un fantôme et fait advenir un théâtre de science-fiction qui préfère la fantaisie aux effets spectaculaires, pour faire redécouvrir nos habitudes les plus triviales.
Comme beaucoup de gens de ma civilisation, j’ai grandi avec la fameuse idée, très triste, qu’il n’y a pas d’alternative au monde capitaliste. Ce martelage un peu lugubre rend d’autant plus effrayante l’idée qu’il va disparaître. C’est pourquoi j’aimerais bien voir notre civilisation présentée par des archéologues lointains, reconstituant le XXIème siècle comme on parle aujourd’hui des étrusques. Peut-être entre-verrait-on alors, dans cet exposé, l’étrangeté, la drôlerie et, finalement, le caractère fortuit de ce beau monde qui est le nôtre.